Publié le 11 mars 2024

La longévité de votre capital retraite ne dépend pas du hasard mais d’une ingénierie financière précise pour contrer l’érosion monétaire et maîtriser votre rythme de décaissement.

  • Un taux de retrait mal calibré, souvent basé sur la « règle des 4% » obsolète, peut épuiser un capital en moins de 20 ans face à une inflation même modérée.
  • Laisser son épargne sur des livrets sécurisés garantit une perte de pouvoir d’achat annuelle, tandis qu’une allocation d’actifs dynamique est indispensable.

Recommandation : Auditez dès maintenant votre taux de retrait soutenable et établissez un ordre de décaissement fiscalement optimisé pour sécuriser votre horizon de viabilité.

L’une des plus grandes angoisses de la retraite n’est pas l’inactivité, mais une crainte mathématique : celle de voir son capital, patiemment accumulé durant toute une vie, s’éroder jusqu’à disparaître avant la fin de sa propre existence. Chaque relevé de compte devient une source de stress, chaque dépense imprévue, une menace pour l’avenir. Face à cette incertitude, les conseils habituels fusent : « diversifiez vos placements », « surveillez vos dépenses », « pensez à l’assurance-vie ». Si ces recommandations partent d’une bonne intention, elles restent souvent trop génériques et ne répondent pas à la question fondamentale : comment transformer un capital fini en une source de revenus potentiellement infinie ?

Le véritable enjeu n’est pas de se priver, mais de piloter. Il ne s’agit pas de « bien gérer » son argent de manière intuitive, mais d’appliquer une véritable ingénierie patrimoniale. La pérennité de votre épargne ne relève pas de la magie, mais de règles de calcul précises, d’une compréhension fine des mécanismes fiscaux et d’une stratégie de décaissement rigoureuse. Et si la clé n’était pas de deviner l’avenir, mais de construire un système robuste capable de résister aux imprévus, à l’inflation et au passage du temps ?

Cet article n’est pas une collection de conseils vagues. C’est une feuille de route structurée pour vous permettre de reprendre le contrôle. Nous allons d’abord quantifier l’ennemi invisible qu’est l’inflation, puis définir le concept central de « taux de retrait soutenable ». Nous établirons ensuite une hiérarchie claire de vos actifs pour savoir lesquels utiliser en premier, et enfin, nous intégrerons la transmission comme une variable maîtrisée et non comme une finalité subie. L’objectif : vous donner les outils pour que votre épargne dure, au minimum, aussi longtemps que vous.

En complément de cette vision globale sur l’épargne, la vidéo suivante se concentre sur une classe d’actifs spécifique, l’immobilier, en explorant les options de placement. Bien que datant de 2022, les principes abordés restent une base de réflexion intéressante.

Pour aborder cette problématique avec la rigueur nécessaire, cet article est structuré en plusieurs étapes logiques. Vous y trouverez les calculs, les stratégies et les points de vigilance essentiels pour construire votre plan de viabilité financière à long terme.

Pourquoi un taux d’inflation de 2% divise votre pouvoir d’achat par deux en 25 ans ?

Le premier paramètre à maîtriser dans toute équation de viabilité financière est l’érosion monétaire. L’inflation est souvent perçue comme un chiffre abstrait, mais son effet est concret et exponentiel. Un taux annuel de 2%, considéré comme un objectif sain par les banques centrales, a des conséquences radicales sur un horizon de 20 ou 30 ans. La « règle de 72 », un calcul mental simple, permet d’estimer le temps nécessaire pour que l’inflation divise par deux le pouvoir d’achat : il suffit de diviser 72 par le taux d’inflation. À 2%, il faudrait 36 ans. Mais ce calcul ne tient pas compte des rendements réels de l’épargne. L’impact est bien plus rapide et sévère en réalité.

Cette érosion n’est pas théorique. Une analyse portant sur deux décennies montre qu’entre 2003 et 2023, l’inflation cumulée a été bien supérieure à la revalorisation des pensions, créant une perte de pouvoir d’achat de 9,2% pour les retraités. De plus, l’inflation « personnelle » des seniors est souvent supérieure à l’indice général, en raison du poids croissant des dépenses de santé (mutuelles, soins) dans leur budget. Une étude récente souligne que 74% des retraités se déclarent inquiets pour leur avenir financier, et plus de 30% ont déjà renoncé à des soins pour des raisons pécuniaires.

Pour quantifier cet impact, il est utile de se projeter. Le tableau suivant illustre la perte de valeur d’un capital de 100 € sur 25 ans selon différents scénarios, en se basant sur les analyses de l’OFCE.

Érosion du pouvoir d’achat de 100 € sur 25 ans
Scénario Valeur actuelle Valeur dans 25 ans Perte réelle
Inflation à 2%/an 100€ 61€ -39%
Inflation à 3%/an 100€ 48€ -52%
Livret A (1% vs inflation 2%) 100€ 78€ de pouvoir d’achat -22%

Ces chiffres démontrent une vérité implacable : sans une stratégie d’investissement dont le rendement net est supérieur à l’inflation, votre capital est condamné à fondre inexorablement. Ignorer ce paramètre revient à naviguer avec une fuite dans la coque de son navire.

Comment savoir si vous pouvez prélever 4% ou 3% de votre capital par an sans risque ?

Une fois l’inflation prise en compte, la variable clé à définir est le taux de retrait soutenable. C’est le pourcentage de votre capital que vous pouvez dépenser chaque année sans risquer de l’épuiser prématurément. La fameuse « règle des 4% », issue d’une étude américaine des années 90, postule qu’un retraité peut retirer 4% de son portefeuille la première année, puis ajuster ce montant à l’inflation chaque année suivante, avec une probabilité élevée de ne pas être à court d’argent sur 30 ans. Cependant, cette règle est de plus en plus contestée, car elle a été établie dans un contexte de rendements obligataires bien plus élevés.

Aujourd’hui, de nombreux ingénieurs patrimoniaux recommandent une approche plus prudente, avec un taux de 3% ou 3,5%. La différence peut sembler minime, mais sur 30 ans, elle est colossale. Pour un capital de 500 000 €, un taux de 4% génère 20 000 € la première année, tandis qu’un taux de 3% n’en génère que 15 000 €. C’est un arbitrage direct entre le niveau de vie immédiat et la sécurité à long terme. Des experts estiment qu’il faut disposer d’un capital minimum de 600 000 € pour espérer générer 2 000 € de revenus mensuels complémentaires en appliquant cette règle. Le véritable danger réside dans le « risque de séquence de rendement » : subir de mauvaises performances boursières au début de la retraite peut amputer durablement le capital et rendre le taux de 4% insoutenable.

Graphique abstrait montrant l'évolution d'un portefeuille de retraite avec courbes colorées

La définition de votre taux de retrait n’est donc pas une règle universelle, mais un calcul personnalisé qui dépend de plusieurs facteurs. Il est crucial d’auditer sa propre situation pour définir une trajectoire viable. Le plan suivant vous y aidera.

Votre feuille de route pour définir un taux de retrait sécurisé

  1. Évaluation de l’horizon de temps : Ne vous basez pas sur l’espérance de vie moyenne. Pour un couple, la probabilité qu’au moins un des deux conjoints soit en vie à 95 ans est élevée. Prévoyez un horizon de viabilité de 30 ans minimum après la date de départ en retraite.
  2. Analyse de l’allocation d’actifs : Votre taux dépend directement du moteur de performance de votre portefeuille. Un portefeuille avec plus de 50% d’actions peut potentiellement soutenir un taux de 4%. Si votre allocation est très prudente (moins de 30% d’actions), un taux de 3% est une limite à ne pas dépasser.
  3. Définition du capital de transmission : Souhaitez-vous léguer un capital à vos héritiers ? Si oui, cet objectif doit être intégré. En règle générale, chaque tranche de 100 000 € de capital que vous souhaitez transmettre à terme devrait vous inciter à réduire votre taux de retrait annuel de 0,1% à 0,2%.
  4. Calcul de la flexibilité des dépenses : Vos dépenses sont-elles fixes (loyer, assurances) ou flexibles (voyages, loisirs) ? Une plus grande flexibilité vous autorise à réduire vos retraits les années de mauvaise performance boursière, ce qui augmente la viabilité d’un taux de retrait initial plus élevé.
  5. Stress-test du scénario : Simulez l’impact d’un choc de marché (-20% la première année) ou d’une dépense imprévue majeure (travaux, aide à un enfant). Votre plan résiste-t-il ? Si la réponse est non, votre taux initial est trop optimiste.

Sortie en capital ou en rente : quel choix privilégier selon votre espérance de vie ?

La question du décaissement de l’épargne retraite se cristallise souvent autour de ce choix fondamental : percevoir l’intégralité de son capital (ou une partie) ou le convertir en une rente viagère, c’est-à-dire un revenu garanti à vie. Il n’y a pas de réponse unique, car le choix optimal est un arbitrage entre flexibilité, sécurité et objectifs de transmission. Les produits modernes comme le Plan d’Épargne Retraite (PER) offrent d’ailleurs une souplesse appréciable.

Le PER permet de choisir à la retraite entre une rente viagère ou un capital, selon vos besoins. Vous pouvez même opter pour une combinaison des deux.

– Direction du Crédit Mutuel, Guide officiel du Plan d’Épargne Retraite

La sortie en rente est l’option de la tranquillité d’esprit absolue. Elle élimine le risque de longévité (vivre plus longtemps que son épargne) en mutualisant ce risque avec un assureur. En échange de votre capital, l’assureur vous verse un revenu fixe jusqu’à votre décès, quel que soit votre âge. C’est une solution mathématiquement intéressante pour les personnes ayant une bonne espérance de vie et une forte aversion au risque. Le principal inconvénient est la perte du capital : en cas de décès prématuré, les sommes restantes sont conservées par l’assureur (sauf option de réversion au conjoint). De plus, les rentes sont fiscalisées comme des pensions de retraite.

La sortie en capital, totale ou fractionnée, offre une flexibilité maximale. Vous gardez le contrôle de votre patrimoine, pouvez faire face aux imprévus, réaliser des projets et organiser votre succession. C’est l’option à privilégier si vous avez d’autres sources de revenus sécurisées et que vous souhaitez transmettre un patrimoine. Le risque, bien sûr, est celui d’une mauvaise gestion ou d’un épuisement prématuré si le taux de retrait est mal calibré. Des solutions hybrides existent pour monétiser son patrimoine immobilier, comme la vente en viager ou en nue-propriété, qui permettent de transformer un actif « dormant » en capital immédiat ou en rente tout en conservant un droit d’usage. Ces options, autrefois marginales, sont explorées par une part croissante de retraités propriétaires souhaitant financer leur niveau de vie.

Le danger de laisser dormir 100% de son épargne sur des livrets à faible rendement

La prudence est une qualité essentielle pour un retraité, mais une prudence excessive peut se transformer en un risque majeur. Laisser l’intégralité de son capital sur des supports dits « sécurisés » comme le Livret A, le LDDS ou les fonds en euros à faible rendement est une garantie mathématique de s’appauvrir. C’est le paradoxe de la « sécurité » : en protégeant votre capital nominal, vous exposez votre pouvoir d’achat à une érosion certaine et continue.

Le calcul est simple : si le rendement de votre placement est inférieur au taux d’inflation, votre rendement réel est négatif. Comme l’explique un consultant en gestion de patrimoine, avec une inflation à 5% et des livrets à 3%, la perte réelle est de -2% par an. Sur un capital de 100 000 €, cela représente une perte de pouvoir d’achat de 2 000 € chaque année, sans même avoir touché au capital. Sur une décennie, l’impact est dévastateur. L’épargne de précaution est indispensable, mais elle ne doit représenter qu’une fraction de votre patrimoine total.

La solution pour contrer cette érosion passe par une architecture de patrimoine structurée, souvent appelée la stratégie des trois compartiments. Chaque compartiment répond à un horizon de temps et à un objectif différent, créant un équilibre entre sécurité, liquidité et performance.

  • Compartiment 1 : La Sécurité (Horizon 0-2 ans). Ce compartiment contient l’équivalent de 12 à 24 mois de dépenses courantes. Il est placé sur des supports totalement liquides et sans risque, comme le Livret A et le LDDS. Son rôle est de faire face aux dépenses quotidiennes et aux petits imprévus sans avoir à vendre des actifs en cas de mauvaise conjoncture.
  • Compartiment 2 : L’Équilibre (Horizon 3-10 ans). Il vise un rendement modéré pour financer des projets à moyen terme (changement de véhicule, voyages). Il est typiquement investi en assurance-vie (fonds en euros) et en unités de compte (UC) prudentes (fonds obligataires, SCPI).
  • Compartiment 3 : La Croissance (Horizon 10+ ans). C’est le moteur de performance de votre patrimoine, destiné à lutter contre l’inflation sur le long terme. Il est investi dans des actifs plus dynamiques comme un PEA (actions) ou des UC dynamiques en assurance-vie. C’est ce compartiment qui assure la pérennité de votre capital sur 20 ou 30 ans.

Cette structure permet de sécuriser le court terme tout en laissant le long terme générer la croissance nécessaire pour préserver le pouvoir d’achat. C’est une approche d’ingénieur, où chaque pièce a une fonction précise dans le système global.

Quand basculer vos actions vers des obligations pour sécuriser vos gains ?

Une idée reçue tenace veut qu’à l’âge de la retraite, il faille vendre toutes ses actions pour se réfugier dans des placements « sûrs » comme les obligations. Cette approche, si elle réduit la volatilité à court terme, est une erreur stratégique majeure. Elle ignore la nécessité de générer de la croissance pour contrer l’inflation sur un horizon qui peut encore dépasser 20 ou 30 ans. La question n’est pas de tout sécuriser, mais de rééquilibrer dynamiquement son portefeuille.

Le principe est de réduire progressivement la part des actifs risqués (actions) au profit d’actifs plus stables (obligations, fonds en euros), sans jamais l’éliminer complètement. Une petite part d’actions reste le meilleur rempart contre l’érosion monétaire. Comme le souligne un guide patrimonial, une prise de risque modérée reste pertinente.

Il n’est pas nécessaire de cesser toute prise de risque à la retraite. Si vous étiez enclin à cette prise de risque pendant votre vie active, conservez une petite part sur des placements plus volatils et rémunérateurs.

– Groupama, Guide de gestion patrimoniale à la retraite

Balance en équilibre avec différents objets symbolisant la diversification patrimoniale

L’allocation d’actifs doit donc évoluer avec l’âge, selon une logique de désensibilisation progressive. Les conseillers patrimoniaux s’accordent sur une trajectoire indicative : entre 50 et 60 ans, une allocation de 40-50% en actions est raisonnable pour maximiser la croissance avant la retraite. Entre 60 et 70 ans, il est prudent de réduire cette part à 30-40%. Après 70 ans, conserver une poche de 20-30% en actions, idéalement centrée sur des entreprises versant des dividendes réguliers et croissants (les « dividend aristocrats »), permet de maintenir un moteur de croissance suffisant. Le reste du portefeuille est alors majoritairement composé d’obligations de haute qualité et de fonds en euros pour assurer la stabilité.

Le « basculement » n’est donc pas un événement unique, mais un processus continu de rééquilibrage. Une bonne pratique consiste à réviser son allocation une fois par an ou lorsque les marchés ont fortement évolué, pour vendre une partie des actifs qui ont le plus progressé et renforcer les positions plus défensives, sécurisant ainsi les gains accumulés.

Pourquoi sous-estimer le budget loisirs met en péril votre épargne dès la 2ème année ?

L’une des erreurs de calcul les plus fréquentes dans la planification de la retraite est de supposer un train de vie stable, voire déclinant. En réalité, les premières années de retraite sont souvent marquées par un « pic de dépenses ». Après des décennies de travail, le désir de voyager, de rénover sa maison, de s’adonner à de nouveaux loisirs ou d’aider ses enfants est à son paroxysme. Sous-estimer ce pic peut créer un déficit dès le départ, forçant à puiser dans le capital bien plus agressivement que prévu et compromettant la viabilité à long terme du plan.

Les chiffres confirment cette tendance : loin de se serrer la ceinture, les nouveaux retraités consomment. Une étude récente révèle que les plus de 64 ans ont augmenté leur consommation de +8% en 2024, tirant la croissance nationale. Ce phénomène, parfois appelé « l’âge d’or de la retraite », correspond à la période où l’on est encore en bonne santé et où l’on a enfin le temps de réaliser les projets reportés. Ignorer cette phase dans le calcul du taux de retrait est une erreur critique.

Pour éviter cette déconvenue, il est impératif d’anticiper et de budgétiser spécifiquement cette phase de surconsommation, qui dure généralement de 5 à 10 ans. Cela peut impliquer de créer une « poche projet » dédiée, séparée du capital destiné à générer les revenus récurrents. Voici une liste des postes de dépenses souvent sous-évalués qu’il faut quantifier :

  • Voyages et grandes vacances : Il n’est pas rare de prévoir un budget de 5 000 à 10 000 € par an durant les cinq premières années pour réaliser les voyages long-courriers rêvés.
  • Amélioration de l’habitat : Rénovation de la cuisine, aménagement du jardin, ou adaptation du logement au vieillissement (douche à l’italienne, etc.) peuvent représenter un budget de 15 000 à 30 000 €.
  • Aide aux enfants/petits-enfants : Donation pour un apport immobilier, financement des études, etc. Prévoir une enveloppe de 10 000 à 20 000 € par enfant peut être prudent.
  • Achat d’équipement de loisirs : L’acquisition d’un camping-car, d’un bateau ou d’un vélo électrique peut représenter une dépense ponctuelle importante de 30 000 à 60 000 €.
  • Nouvelles activités : Inscription à des clubs (golf, tennis), cours (peinture, musique), sorties culturelles… Ces nouvelles routines peuvent ajouter 200 à 500 € de dépenses mensuelles.

Quantifier ces projets permet de les financer sans cannibaliser le capital principal. Cela peut signifier de retarder légèrement la date de départ à la retraite pour constituer cette poche, ou de prévoir un décaissement plus important les premières années, compensé par une discipline plus stricte par la suite.

Pourquoi la clause bénéficiaire de l’assurance-vie est-elle hors succession fiscale jusqu’à 152 500 € ?

Au-delà de la génération de revenus, l’ingénierie patrimoniale à la retraite intègre une dimension essentielle : la transmission. Parmi les outils disponibles, l’assurance-vie se distingue par un régime fiscal successoral unique et extrêmement avantageux. Sa spécificité réside dans le fait que les capitaux versés aux bénéficiaires désignés dans la clause ne font pas partie de l’actif successoral du défunt. Ils sont « hors succession ».

Ce principe offre un avantage fiscal considérable. Pour tous les versements effectués sur un contrat d’assurance-vie avant le 70ème anniversaire de l’assuré, chaque bénéficiaire désigné peut recevoir jusqu’à 152 500 € en totale franchise de droits de succession. Au-delà de cet abattement, les capitaux sont taxés à un taux forfaitaire de 20% jusqu’à 700 000 €, puis 31,25% au-delà. C’est un régime bien plus favorable que le barème progressif des droits de succession, surtout pour les bénéficiaires sans lien de parenté direct. Comme le rappellent les experts, cet abattement de 152 500 euros par bénéficiaire s’applique quel que soit le degré de parenté, ce qui en fait un outil de transmission inégalé.

L’efficacité de cet outil repose sur la rédaction méticuleuse de la clause bénéficiaire. Une clause mal rédigée (« à mes héritiers ») peut faire retomber les capitaux dans la succession et anéantir l’avantage fiscal. Il est crucial de désigner nommément les bénéficiaires, avec leur date et lieu de naissance, et de prévoir des bénéficiaires de second rang en cas de prédécès des premiers. Pour des situations familiales complexes, notamment les familles recomposées, des techniques d’ingénierie avancées comme le démembrement de la clause bénéficiaire peuvent être utilisées. Cette technique consiste à désigner le conjoint survivant comme usufruitier (il perçoit les intérêts générés par le capital sa vie durant) et les enfants comme nus-propriétaires (ils reçoivent le capital au décès de l’usufruitier). Cela permet de protéger le niveau de vie du conjoint tout en sécurisant la transmission aux enfants, le tout avec une fiscalité optimisée.

L’assurance-vie est donc un double outil : un véhicule d’épargne et de croissance pendant la retraite, et un instrument de transmission fiscalement performant. Il est primordial de s’assurer que ses contrats sont adaptés et ses clauses bénéficiaires à jour.

À retenir

  • La pérennité du capital retraite est une science exacte basée sur le contrôle de l’inflation, la définition d’un taux de retrait soutenable (souvent plus proche de 3% que de 4%) et une stratégie de décaissement fiscalement optimisée.
  • Laisser son épargne sur des livrets est une garantie de perte de pouvoir d’achat. Une allocation d’actifs dynamique, même après 70 ans, est indispensable pour générer une croissance supérieure à l’inflation.
  • La stratégie de décaissement doit être hiérarchisée : liquider en priorité les enveloppes les moins fiscalisées (PEA après 5 ans) et en dernier les plus taxées (compte-titres), tout en utilisant les abattements de l’assurance-vie.

Comment réorganiser votre patrimoine pour qu’il serve vos objectifs de retraite ?

L’approche par « compartiments » ou « poches » est la pierre angulaire d’une organisation patrimoniale efficace à la retraite. Il s’agit de cesser de voir son patrimoine comme une masse unique et de le structurer en fonction de trois objectifs distincts : générer des revenus, assurer la croissance à long terme et préparer la transmission. Cette cartographie permet de prendre des décisions éclairées et de sécuriser son avenir financier.

La première étape consiste à réaliser un bilan patrimonial détaillé, en classant chaque actif dans l’une des catégories suivantes :

  • Actifs de Revenu : L’objectif est de couvrir la majorité des dépenses courantes. On y trouve l’immobilier locatif, les rentes viagères, les dividendes d’un portefeuille d’actions dédiées, et les retraits programmés sur les fonds en euros d’une assurance-vie.
  • Actifs de Croissance : C’est le moteur de votre patrimoine, conçu pour battre l’inflation sur 10 à 20 ans. Il est composé des placements plus dynamiques comme le PEA, les unités de compte en assurance-vie ou les SCPI de rendement.
  • Actifs de Transmission : Ce sont les biens que vous souhaitez léguer dans les meilleures conditions fiscales. L’assurance-vie (via sa clause bénéficiaire), l’immobilier familial ou un PER sont les outils privilégiés.

Une fois cette cartographie établie, la stratégie de décaissement devient logique et mathématique. L’erreur commune est de puiser indistinctement dans ses placements. L’ingénierie patrimoniale impose de suivre un ordre de décaissement fiscalement optimal. L’objectif est de puiser en premier dans les enveloppes les moins fiscalisées pour laisser les autres continuer à croître le plus longtemps possible.

Ce tableau, inspiré des recommandations d’experts, synthétise l’ordre de priorité à appliquer pour vos retraits, en fonction de la fiscalité de chaque enveloppe.

Ordre optimal de décaissement selon la fiscalité
Ordre Support Fiscalité Avantage principal
1er PEA après 5 ans Exonération IR (hors PS) Gains non fiscalisés
2e Assurance-vie +8 ans Abattement 4600€/9200€ Fiscalité allégée
3e PER en capital Barème progressif IR Déduction antérieure
Dernier Compte-titres PFU 30% Liquidité totale

En respectant cet ordre, vous minimisez l’impact fiscal de vos retraits et maximisez la durée de vie de votre capital. C’est l’étape finale de l’ingénierie, où la stratégie se traduit en un plan d’action concret et quantifiable.

Pour préserver votre avenir, l’étape suivante consiste à appliquer cette grille d’analyse à votre propre patrimoine. Une évaluation précise de vos actifs, de vos objectifs et de votre tolérance au risque est le point de départ pour bâtir une stratégie de décaissement qui vous assurera la tranquillité d’esprit pour les décennies à venir.

Questions fréquentes sur la pérennité de l’épargne retraite

Les seniors font-ils vraiment face à une inflation plus élevée ?

Oui, plusieurs études le confirment. L’inflation « personnelle » des retraités est souvent supérieure à l’indice des prix à la consommation (IPC) global. Cela s’explique par la structure de leurs dépenses, où les postes qui augmentent le plus vite, comme les cotisations de mutuelle santé, les frais médicaux non remboursés et l’énergie, pèsent une part plus importante de leur budget que pour le reste de la population.

Qu’est-ce que le démembrement de la clause bénéficiaire d’une assurance-vie ?

C’est une technique d’ingénierie patrimoniale avancée. Au lieu de désigner un bénéficiaire unique, on scinde la propriété en deux : l’usufruit et la nue-propriété. Typiquement, le conjoint survivant est désigné usufruitier : il peut utiliser les revenus (intérêts) du capital sa vie durant, sans pouvoir toucher au capital lui-même. Les enfants sont désignés nus-propriétaires : ils hériteront du capital au décès de l’usufruitier, sans double taxation. C’est un excellent outil pour protéger le conjoint tout en sécurisant la transmission aux enfants, particulièrement dans les familles recomposées.

Le prêt viager hypothécaire est-il une bonne solution ?

Le prêt viager hypothécaire peut être une solution pertinente pour les retraités propriétaires qui ont besoin de liquidités sans vouloir vendre leur bien. Il permet d’obtenir un capital (ou une rente) en adossant le prêt à la valeur de son logement. Le capital et les intérêts ne sont remboursés qu’au décès de l’emprunteur, généralement par la vente du bien par les héritiers. C’est une option qui gagne en popularité car elle permet de « vivre maintenant » en utilisant un patrimoine immobilier souvent « dormant », mais elle a un coût élevé et réduit d’autant la valeur de l’héritage.

Rédigé par Marc Delacroix, Conseiller en Gestion de Patrimoine Indépendant (CGPI), expert en ingénierie patrimoniale du senior depuis 22 ans. Il maîtrise parfaitement les rouages de la fiscalité française (loi Madelin, PER, Assurance-vie) et l'optimisation successorale.